*Contexte

Citation :

"Les phares de ma voiture éclairent la rue, déserte. Les habitants de Regina Road sont tous allés se coucher, exception faite de la patrouille des volontaires du Conseil de Sécurité de Regina Road. Patrouille qui par ailleurs est devenue inutile depuis l'installation à l'entrée du quartier d'un poste de sécurité et d'une barrière automatique. Ce poste de sécurité avait été rendu indispensable par les intrusion répétées d'un chien errant qui avait saccagé le jardin de Mrs B., lauréate 2001, 2003, 2004 et 2005 du Prix du Plus Beau Jardin de Regina Road. Aux fenêtres, peu voire pas de lumières. Le quartier s'est assoupi.
Dès 7 heures du matin, la quiétude endormie de la nuit laisse place à la quiétude joyeuse du jour. A Regina Road, le soleil brille mieux que nulle part ailleurs sur Terre et, à 10 heures, caresse de ses rayons les enfants qui poussent des cris joyeux en poursuivant leurs petits camarades de jeu. Assises à la terrasse d'une maison, quatre voisines discutent paisiblement autour d'une tasse de thé, et dans une demie-heure, l'une d'entre elles s'en irafaire ses courses avec sa petite dernière, une autre ira chercher son fils de retour de classe verte, la troisième rentrera chez elle afin de finir de tailler sa haie et la dernière ira acheter un nouveau service en porcelaine pour son barbecue de samedi. Les maris sont tous partis travailler. L'un est chef d'entreprise, l'autre comptable, un autre est vétérinaire, un quatrième est architecte et un dernier enfin est cuisinier. A Regina Road, le monde entier semble s'être arrêté."

The Golden Lake Daily Post, 23 Août 2007

Il est temps que l'on cesse enfin de vous mentir. Regina Road n'est pas le Paradis sur terre. C'est le royaume de l'hypocrisie érigée en Loi suprême. L'empire de la femme au foyer maniaque. La dictature sans partage de la conformité.
A Regina Road, l'herbe verte et jaune dansant sous le vent a fait place au gazon immobile coupé avec une précision d'horloger afin de ne pas dépasser la taille maximum autorisée; les sourires chaleureux et francs des jours heureux ont perdu la bataille face aux rictus aussi sincère que les candidats républicains à la Présidence des Etats-Unis; la joie de vivre ne dure que le temps de l'enfance avant que n'arrive les troubles de l'adolescent que l'on force à entrer dans le moule de l'amérique bien pensante et que la fatalité de l'adulte ne le conduise à se glisser dans ledit moule sans plus de protestations. Certains d'entre nous donneraient leur âme pour échapper à ces règles qui leurs sont pourtant devenues indispensables.

Les secrets honteux que l'on acquiert au fur et à mesure que passent les années sont cachés dans le bac de linge sale. Mais passent les lessives et les tâches restent là, immuables, comme des cicatrices du passé.

Ces terrifiantes vérités qui nous concernent deviennent vite des cadavres à enterrer sous le massif de fleurs que l'on soumet à tel concours et ne sont plus jamais déterrés. Jusqu'à ce qu'un jour, un vieux chien, sale et affamé viennent gratter la terre, et fasse réapparaitre à la surface nos vices enfouis.

Tout le monde a un peu de linge sale. Mais tout le monde ne sait pas comment le laver.